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samedi 18 mars 2017

Wirathu réduit au silence



    J'avais parlé du moine Wirathu dans un précédent article sur la Birmanie. Ce moine bouddhiste ne cesse de prêcher la haine à l'égard des musulmans, et notamment les membres de la minorité ethnique Rohingya. En Birmanie, son influence est énorme. Cela contribue à compliquer une situation ethnique déjà extrêmement compliquée pour les Rohyngyas et les autres minorités éthniques. Dans cet article, j'avais déjà dit à quel point le discours d'U Wirathu était contraire au message fondamental du Bouddha. Là où il devrait prôner l'amour et la réconciliation, Wirathu prône la haine et la discorde. Lui-même en prend pas part aux émeutes et aux affrontements inter-confessionnels ; mais sa rhétorique haineuse inspire la violence et le racisme à de nombreux Birmans.



Le moine Ashin Wirathu




      Jusqu'à présent, Wirathu semblait intouchable. La bonne nouvelle est que les choses ont changé en Birmanie. J'ai lu dans un article récent de Libération daté du 13 mars 20171 que le moine Wirathu avait enfin été contraint au silence par les hauts responsables de la Sangha birmane, le Maha Nayaka. Il est interdit à Ashin Wirathu de « se livrer à des sermons à travers la Birmanie jusqu’au 9 mars 2018», car il a «multiplié les discours de haine contre les religions afin de provoquer des conflits locaux et entraver les efforts pour maintenir l’État de droit». Un an de silence forcé et de désaveu de la part des autorités bouddhistes, voilà au moins à titre temporaire une bonne chose pour le pays.

      Il est néanmoins triste de constater que cette interdiction vient après l'assassinat d'un avocat musulman et défenseur des droits de l'homme, Ko Ni. Ko Ni était par ailleurs proche d'Aung San Suu Kii. L'assassinat a eu lieu alors que Ko Ni revenait avec une délégation gouvernementale d’une mission en Indonésie pour discuter avec les intervenants de la région des tensions religieuses dans l’État Rakhine ou Arakan (dans l'ouest de la Birmanie), la région où se situe les heurts et les épurations ethniques à l'encontre des Rohingyas2




L'avocat Ko Ni, défenseur des droits de l'Homme en Birmanie





      Le moine Wirathu n'a rien trouvé de mieux que de féliciter les assassins de Ko Ni. Sur sa page Facebook, U Wirathu a déclaré voir dans cette mise à mort un « avertissement à tous ceux qui veulent modifier la constitution » en cherchant à supprimer «la nécessaire représentation des militaires au sein du Parlement ». (Il est probable que les militaires soutiennent Wirathu et son mouvement ultranationaliste 969 en sous-main afin d'affaiblir la position de la Ligue Nationale pour la Démocratie d'Aung San Suu Kii qui n'est rien qu'une traîtresse qui pactisent avec les musulmans aux yeux de Wirathu, alors même que le monde entier lui reproche amèrement son peu d'empressement à venir en aide aux Rohingyas). Comme si cela ne suffisait pas, Wirathu s'est aussi dit « soulagé pour l’avenir du bouddhisme dans mon pays» après ce meurtre de sang froid.

    C'est certainement la provocation de trop. Faire ouvertement l'apologie du meurtre et de l'assassinat est un trop grand écart par rapport à la doctrine du Bouddha, surtout que l'émotion en faveur de Ko Ni est forte dans le pays. La Sangha birmane a donc estimé qu'il fallait provisoirement faire taire Wirathu. Ce dernier s'est d'ailleurs rendu à une cérémonie publique dans la ville de Mandalay avec un ruban adhésif collé sur la bouche. Il est difficile de dire si Wirathu va respecter cette interdiction de prise de parole, et si la Sangha va rester unanime contre lui. On peut craindre un retournement de situation. Néanmoins, le simple fait que la Sangha birmane prenne position contre les dérives haineuses d'Ashin Wirathu est en soi un excellent signal. Enfin, un message clair est prononcé à son égard. Cela ne résout pas tous les problèmes de la Birmanie, qui sont nombreux, mais cela ouvre des perspectives pour l'apaisement et la réconciliation.






Paix et sérénité pour la Birmanie.








1 Arnaud Vaulerin, « En Birmanie, un prédicateur bouddhiste islamophobe interdit de sermon », Libération, 13 mars 2017.

2Guillaume Reuge, « Un conseiller musulman d'Aung San Suu Kyi assassiné », Libération, 30 janvier 2017.







Birmanie - Steve McCurry 






Sur la Birmanie, voir aussi : 










Sur la situation de la communauté musulmane Rohingya, voir notamment sur le site d'Arte : « La malédiction des Rohingyas »




Voir aussi le site Info-Birmanie et sa page Facebook pour de plus amples informations sur la situation politique du pays.








Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.




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