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vendredi 24 juillet 2015

Un conseil de Jigmé Lingpa



Ceux que torturent les chaleurs du mois de juin
Languissent après le clair de lune automnal,
Et si la peur ne les gagne pas, c'est qu'ils ne pensent point
Qu'alors leur vie aura été réduite de cent autres journées.

Jigmé Lingpa (Tibet, 1730-1798)







     Je trouve ce conseil du maître tibétain Jigmé Lingpa d'une grande profondeur. Certes d'un point de vue strictement géographique, il peut sembler décalé pour des gens qui, comme moi, vivent en Europe du Nord. En Belgique, on languit rarement après les journées pluvieuses et grises du mois de novembre ! Ceci étant dit, combien de fois n'ai-je pas entendu quand nous étions, au creux de l'hiver : « Ah, si on pouvait être en été, c'est trop pénible de vivre au mois de février en Belgique avec un froid pareil et une pluie pareille ! » Et puis quand c'est l'été, de toute façon, les gens râlent, soit qu'il fasse trop chaud et que c'est la canicule, soit qu'il pleuve tout le temps et que c'est un été pourri ! Si on se plaint du temps et qu'on aspire à être dans trois mois, on ne se rend pas compte qu'on aspire à se rapprocher de sa mort de trois mois. Le temps passe vite et emporte tout. Il vient bien assez vite comme cela. Apprenons donc à apprécier l'instant présent et le temps qu'il fait aujourd'hui. Il pleut, il pleut. Il neige, il neige. Il fait soleil, il fait soleil ! Mais ne nous laissons pas entraîner dans la mauvaise humeur de râler contre le temps qu'il fait, car cela revient à gâcher l'instant présent, notre seule véritable richesse.

     C'est pareil avec le boulot. Je suis enseignant. Après un congé, la première chose que mes collègues et mes élèves font, c'est de savoir quand sera le prochain congé. Un collègue m'a dit le jour de la rentrée après le congé de Noël : « Plus que six semaines avant le congé de carnaval ! » Je trouvais cela triste, parce que cela revenait à attendre pendant six semaines un congé qui ne durerait de toute façon qu'une pauvre petite semaine ! Autant se concentrer sur l'instant présent et apprendre à apprécier les jours que l'on vit. Je ne dis pas pas que c'est toujours facile tellement on peut avoir de contrariété dans son boulot. Mais justement en se concentrant sur le moment présent que l'on peut développer une attitude positive, faire rayonner la bienveillance et la compassion autour de soi, faire preuve d'équanimité avec les personnes acariâtres et les situations difficiles, manifester la joie intérieure quand tout le monde fait grise mine. Si la plupart des gens adoptaient cette attitude, on ne viendrait pas au boulot avec ses souliers de plomb.

     Carpe diem, disait Horace. Cueille le jour.... On a souvent considéré cette sentence comme la seule recherche des plaisirs au détriment de tout ce qui est ennuyeux. Je crois personnellement qu'il y a là un sens plus subtil. Il faut cueillir les fruits de la journée quelle que soit la journée en question : cela peut être le farniente sur la plage quand on est vacances, mais cela peut vouloir dire apprécier la journée présente de travail, essayer de tirer son plaisir dans son boulot. Et cela suppose un changement intérieur : si on part du principe qu'on fait un travail assommant, que nos collègues ou nos élèves sont une pénitence qu'il va nous falloir supporter toute la journée durant, on est mal parti pour cueillir le jour ! Mais je pense qu'il faut avoir un esprit positif, essayer d'apporter quelque chose de bien à son entourage. Cela ne nous empêchera pas les moments difficiles, les confrontations, les épisodes de stress ou de tension, mais au moins on envisage l'instant présent avec une autre perspective et on se montre plus agréable avec les autres. De toute façon, on n'est contraint de passer un certain temps, autant faire que cette contrainte soit le moins pénible pour soi-même et autrui. Si l'on espère le moment où on va pouvoir rentrer chez soi, ce moment disparaîtra très vite et laissera place au lendemain matin où le réveil vienne sonner le glas de nos rêves et nous annonce une autre journée grisâtre au travail...


    Donc autant cultiver la conscience de l'impermanence. Réaliser que le temps passe et savoir qu'il ne reviendra pas. Avec cette conscience de l'impermanence, on réalise d'autant mieux la valeur de l'instant présent. On sait que c'est le moment où il faut manifester ce qui est lumineux en nous. Si on rêve d'un avenir meilleur, on rate le moment présent mais on ratera aussi probablement le moment futur ! D'autres contrariétés viendront nous gâcher le moment présent. Autant prendre le pli tout de suite de cueillir le jour en sachant que la récolte viendra d'abord de nous-mêmes et de nos dispositions intérieures à voir ce qu'il y a de bon dans la vie.     




Tour Zimmer à Lierre (Lier) en Belgique


Autre citation de Jigmé Lingpa: 
entrer dans le flux de la pleine conscience

Voir aussi : Carpe Diem


Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.

Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.







Jigmé Lingpa




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